mercredi 24 janvier 2018

merci à Bernard

qu'est-ce que la Beauté ?
on pourrait dire que la Beauté c'est cela :

" Un seul mot, de silence. "



Saint Pierre demandant le silence / Fra Angelico





Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concierto para clarinete en La mayor, K622

 





1. Allegro 




John William Waterhouse, Lady of Shalott


La Dame De Shalott 


De chaque côté de la rivière il y a 
De grands champs d'orge et de seigle, 
Qui recouvrent le monde et rejoignent le ciel, 
Et à travers ces champs serpente une route 
Jusqu'à Camelot et ses nombreuses tours ; 
Et les gens vont et viennent 
Regardant fleurir les lys 

Des saules blanchis, des trembles frémissants, 
De petites brises, l'obscurité et le frisson, 
A travers l'onde éternelle qui s'écoule 
Près de l'île, dans la rivière, 
Jusqu'à Camelot. 
Quatre murs gris, et quatre tours grises, 
Dominent un espace de fleurs, 
Et l'île silencieuse renferme 
La Dame de Shalott.

Seuls des paysans, moissonnant de bonne heure, 
Au milieu de l'orge barbu, 
Entendent une chanson pleine de gaieté 
Qui descend la rivière en serpentant 
Jusqu'à l'imposant Camelot. 
Et sous la Lune les moissonneurs se fatiguent 
A empiler des gerbes sur ces hauts terrains dégagés, 
Ecoutant, des murmures : " voici la fée, 
La Dame de Shalott. " 

C'est là qu'elle tisse nuit et jour 
Une toile magique aux couleurs gaies. 
On lui a murmuré 
Qu'une malédiction s'abattrait sur elle si elle restait 
Et baissait les yeux vers Camelot. 
Elle sait qu’elle pourrait être cette malédiction, 
Alors elle continue de tisser, 
Et c'est à peine si elle se soucie des autres, 
La Dame de Shalott.

Et à travers un miroir clair 
Accroché devant elle toute l'année, 
Les ténèbres du monde apparaissent. 
Elle y voit la grand'route 
Qui serpente vers Camelot. 
Et quelquefois à travers le miroir bleu, 
Les chevaliers arrivent deux par deux à cheval. 
Elle n'a pas de chevalier loyal et droit, 
La Dame de Shalott. 

Mais elle prend quand même du plaisir avec sa toile, 
A dessiner les images magiques du miroir, 
Car souvent déchirant ces nuits silencieuses, 
Des funérailles, avec des panaches, de la lumière, 
Et de la musique allaient à Camelot. 
Ou quand la Lune était haute dans le ciel, 
Venaient deux jeunes amants fraîchement mariés. 
" Les ténèbres me rendent presque malade " disait 
La Dame de Shalott. 

Un regard par l'avant-toit de sa chaumière, 
Il chevauchait entre les gerbes d'orge, 
Le soleil apparut, aveuglant, entre les feuilles, 
Et s'enflamma sur l'armure cuivrée 
Du hardi Sire Lancelot. 
Un chevalier à la croix rouge pour toujours agenouillé 
Devant une dame avec son bouclier 
Qui scintille sur ce champ doré, 
A côté de l'isolée Shalott. 

Son large front rayonnait au soleil ; 
Son destrier avait des sabots dorés ; 
De son heaume dépassait par derrière 
Des boucles d'un noir de charbon alors qu'il chevauchait, 
De retour vers Camelot. 
Depuis la berge et depuis la rivière, 
Il apparaissait furtivement dans le miroir de cristal, 
Le long de la rivière, 
" Tirra Lirra " Chantait Sire Lancelot. 


Elle laissa sa toile, elle laissa son métier à tisser, 
Elle fit trois pas à travers la pièce, 
Elle vit le nénuphar en fleur, 
Elle vit le heaume et le plumeau, 
Elle baissait les yeux vers Camelot. 
La toile s'envola au loin vers l'eau ; 
Le miroir se brisa de part en part ; 
" La malédiction s'abat sur moi " s'écria 
La Dame de Shalott. 

Dans un fort vent venant de l'est, 
Le jaune pale de la forêt déclinait, 
Le large ruisseau se plaignait. 
Du ciel bas tombait une lourde pluie 
Sur l'imposant Camelot ; 
Elle descendit et trouva une barque 
Qui flottait sous le saule, 
Et vers la proue elle écrivit 
La Dame de Shalott. 

Et en bas de la sombre étendue de la rivière, 
Comme une voyante en transe, 
Contemplant sa malchance, 
Avec un regard vitreux, 
Elle regardait Camelot. 
Et à la fin du jour 
Elle détacha la chaîne et s'allongea ; 
Le fort courant l'emporta au loin, 
La Dame de Shalott. 

On entendit un chant, mélancolique, sacré, 
Chanté fort, chanté tout bas, 
Jusqu'à ce que son sang ne se glace, lentement, 
Et que ses yeux s'assombrissent totalement, 
Dirigés vers l'imposant Camelot. 
Et avant que le courant ne l'amenasse 
A la première maison au bord de l'eau, 
Avec ce chant elle périt, 
La Dame de Shalott. 

Sous une tour et un balcon, 
Le long d'un mur de jardin et d'une tribune, 
Elle flottait près d'une forme étincelante, 
Livide entre les hautes demeures. 
Le silence se fit à Camelot. 
Et ils vinrent sur les quais, 
Le Chevalier et le Citoyen, le Seigneur et la Dame, 
Et sur la proue ils purent lire son nom, 
La Dame de Shalott. 


Alfred Tennyson   
en anglais ICI




 

2. Adagio (en Re)




John Everett Millais, Ofelia



Ophélie

I

 Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
-On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile :
- Un chant mystérieux tombe des astres d'or.


II

Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;

C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;
Que ton cœur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;

C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !

Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu : 
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton œil bleu !


III

- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.

Arthur Rimbaud




3. Rondo: Allegro (en La)




Dante Gabriel Rossetti, Sancta Lilias




Qu'est-ce que la beauté...
Si j'espérais pouvoir le dire ?
Un seul mot, de silence.
Si j'espérais pouvoir le peindre ?
Un seul geste, regarder.
Si j'espérais pouvoir l'entendre ?
Un seul souffle, écouter.

Bernard 







 

2 commentaires:

arlette a dit…

Un si beau billet Je garde Merci Maria

mémoire du silence a dit…

Le merci va surtout à Bernard pour ce cadeau et qui nous comble par son silence, son regard et son écoute. La Beauté se partage n'est-ce pas ?

Merci Arlette que la Beauté vous garde.