vendredi 16 février 2018

à consommer sans modération









ENIVREZ-VOUS 


Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. 

Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. 

Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »  

 Charles Baudelaire / Le Spleen de Paris








3 commentaires:

Merciel a dit…

Chère Maria ! Que c'est Beau ! Oui … merci pour ce doux partage.
L’Ivresse est une fille du Cœur, une créature d’Amour … Appelée, elle arrive. Toujours fidèle, elle est Caresse qui agit en se manifestant clairement en nous comme la réponse du Cœur qui met le sel, le sens et cependant la Beauté, là où invitée. Il s’agit d’une beauté pleine, ronde, parfaite car, en tout, au cœur de chaque instant, elle sent, elle voit l'Ami. Là où l’Ami est trop caché, elle se niche en soi-même et le retrouve dans le secret espace de son cœur et là elle se serre à lui sans le laisser un seul instant. L’Amour veut ça de nous, il exige cet effort car il ne veut nous laisser jamais … C’est ça sa nature. Une seconde après l’autre il est là …
Donc plus une situation est difficile, plus elle est doit se faire petite, pour pouvoir se nicher au centre du malaise et agir. Un tout petit point qui prendre force, qui s’alimente du Bien pur, sans admettre interférences … La Beauté est une exercice d'humilité et d'écoute qui consiste à n’admettre en soi, dans l’espace de la douleur quoi qu’elle soit, rien d’autre que l’Amour … l’Amour qui soigne à l’intérieur de chaque cellule, de chaque particule. Cet effort du cœur, et de tout l’être à partir de lui, est toujours couronné par le frémissement de l'âme qui arrive comme une véritable consolation intime et belle: la Caresse sublime de l’Ami dans notre cœur. Seulement dans les bras du Cœur,l'âme,en retrouvant sa vraie nature, voyage dans des espaces insoupçonnés, tellement riches ... en sensations, émotions subtiles, délicates, douces, parfois puissantes.
Soyons donc ivres de plus en plus, ma chère Maria, comme si celle-ci c’était notre seule tâche, le seul défi de notre Vie ... Je pense à Vous, je suis avec vous de tout mon cœur …

François a dit…

Magnifique.

AlainX a dit…

Toujours émouvant Reggiani...
Quand un artiste sait valoriser à ce point le talent d'autrui, cela ne peut être qu'un grand.
Je l'ai vu en scène, du temps de sa jeunesse (et de la mienne…) sa présence y était extraordinairement forte.