samedi 8 février 2020

elle







Elle est née un jour de neige couleur de lait, à cette heure précise où le jour se décaptive des bras de la nuit. Elle a traversé le jour, puis la nuit, et puis les jours et les nuits. Et s’est assise enfin sur le bord du chemin de mousse et de feuilles, pour regarder passer les lueurs du jour, les éclats de nuit.

Elle est entrée dans la vie par la porte des collines. Celles, arides et sèches, rognées par le sel et recouvertes de pierres brûlées par l’œil d’un soleil incendiaire.

Elle a essuyé la poussière sur des lambeaux de ciels défaits aux couleurs d’orages, et elle a attendu le passage des caravanes. Ces longues caravanes porteuses d’eau et de miel, de pain et d’épices, de perles et d’encens. Celles qui adoucissent la vie, et ce passage éphémère et précaire dans la cours des grands. Elle a appris la richesse et puis la pauvreté, la laideur et puis la beauté. Elle a appris cette part inhumaine de l’humain, et puis l’a rejetée. Elle a appris que la vie n’est ni richesse, ni pauvreté, qu’elle est parfois si pure, si belle … mais qu’elle sait aussi être une catin.

Ce qu’elle reçoit, elle le donne. Elle le donne sans compter et sans intérêts. Ce qu’elle donne, un jour ou l’autre elle le reçoit à nouveau anobli et grandi, embelli et assaini. Elle le reçoit et le mange, et le couve et le multiplie, pour l’offrir à nouveau aux cœurs purs si petits, et si grands de cœur et d’esprit.

Elle écrit et se tait sous un grand parapluie, sur lequel chante la neige et la pluie qui lui ont tout appris. Elle avance et se cogne au soleil et au vent, aux arêtes du temps…  Elle sait goûter aux fruits rouges et juteux des forêts, et aux bouches d’enfants qui lui content en un souffle l’histoire des éléments. Elle sait boire ce jus, cet élixir sacré, l'essence de la vie.

Elle est née dans un flocon de poésie pour se protéger des brûlures de la vie, à cette heure précise où la nuit dépose le jour dans une grande vasque de lait.




3 commentaires:

Jean a dit…

Un commentaire ne dit pas toujours la perception d'une lecture, qui est parfois un long silence. Vos mots prolongent ce silence vers "les confins des sphères étoilées". Comme elle, vous êtes "née dans un flocon de poésie".
Merci.

Miche a dit…

... elle est... elle est belle !

mémoire du silence a dit…

@ Jean ...

"Par delà le soleil, par delà les ésthers"
Merci Jean pour ce beau commentaire qui rompt le silence.




@ Miche ...

Merci :-)