Il s’étire et s’élève, s’accroche au fil ténu du ciel et se hisse vers le monde ouvert à l’infini. Il se sent bien… la bouche ouverte sur ses lèvres en fleur.
Il caresse les arbres de sa main d’or et de feu. Il s’étire. Il s’allonge sur la rive du long fleuve, prisonnier d’une bulle, prisonnier d’un flocon, d’une pelure d’orange sur la courbe de l’ombre, une rainure sur la joue où s’endort une larme.
Il ouvre son cœur au soleil du matin. Son rêve se poursuit. Un rêve de lumière, de liberté, de bonheur et grand voyage. Il se dévêt alors de l’ombre de la nuit et s’enroule lentement dans le lierre et le vent, dans les bras diaphanes de l’aube.
Il rebrousse chemin. Il compte ses pas. En arrière il revient, il saigne, il geint et se donne aux griffures oubliées. Les oiseaux sont partis, les enfants sont meurtris. Sa douleur est immense et le sang se répand sur une poudre blanche qui absorbe sa raison. Il rebrousse chemin, tourne le dos au destin, et s’éloigne de demain.
Il est roi dans le royaume de son corps, au plus près de l’intime. Il est lui en entier. Les autres sont venus, ils sont à ses côtés, ils passent et repassent, et reviennent et repartent. Ils sont UN et DEUX et plusieurs en ce monde à réunir les lambeaux du temps, les brindilles de l’arbre et l’éclat des étoiles.
Ils défont les grains de sable, et délient les nœuds des vieilles rencontres pour en lier de nouvelles. Lui, il reprise le temps et redore les secrets que seuls les initiés pourront peut-être goûter. Les uns avec les autres ils refont le monde. Voyageurs sans bagages, sans deuils et sans regrets, ils emportent le meilleur, ce petit bout de rien qui brille au creux de l’âme.
Ils sont dans l’éternel et déposent leurs montres, le tic-tac du temps aux pieds des lassitudes. Ils reviennent en chantant par les chemins de l’aube, sous la main fiévreuse du vent. Ils sont dans l’or du temps, le pied posé sur la fenêtre de l’âme. Ils sont enfants dévalant le sentier du haut.
Entre leurs mains circule la poésie, poésie de l’âme qui embellit tout ce qu’elle effleure, tout ce qu’elle souffle du bout des lèvres. Ils avancent et se frôlent et se donnent en partage. Le bonheur roule dans le ciel entre les nuages, et les claires ondées, pluie de lumière qui brille comme un bouton d’or au milieu des herbes folles sur le talus.
Ils griffent le ciel et se cachent dans l’ombre, dans les grandes herbes qui longent le mur de pierres sèches. Ils ont chaud sous le ciel. Ils ont chaud et avancent pieds nus sur le bord du grand mur, tout au bord du rebord, de ce vide qui attire et qui grise. Ils sont comme des oiseaux sous le ciel qui appelle.
Ils sont libres comme le premier Homme. Ils sont les héritiers d’une histoire oubliée, les derniers hommes rescapés de l’origine du monde. Ils sont entrés dans la postérité, la bouche ouverte sur leurs lèvres en fleur. Ils sont rois aux pieds nus, sur le fil de l’éternité.
Il est quelque part une fenêtre ouverte sur le monde, et un pied de roi posé sur le rebord, un pied de roi pour enjamber le ciel.