samedi 16 novembre 2013

entre ombre et lumière







Je suis aveugle 
                trou noir 

ligne de fuite 
au bord du ravin 

                horizon chimérique 

écume du jour ancrée 
à la lisière du temps 

rivière d’eau profonde 
derrière la mer écrite 

trou dans l’eau des mots 
sang de la phrase   rouge 

                orée du ciel 
crépuscule du poème 
jailli d’une nuit cérébrale 

mots frères 
se lovant dans le creux 
de la nuit sans étoiles 
lueur 

et doute 
                lamentations 
comme une leçon 
de ténèbres





F. Couperin : Leçons de Ténèbres - Deuxième Leçon by Rene Jacobs, Vincent Darras - counter tenors; William Christie, organ; Wieland Kuijken, bass viol; Konrad Junghanel, theorbo on Grooveshark

5 commentaires:

François a dit…

Une survivance du Poème et de la Beauté, comme une exhortation au repentir et à méditation.
Cette deuxième Leçon accompagne judicieusement vos mots.

O a dit…

"Elles se renouvellent chaque matin. Oh! que ta fidélité est grande!"
(3.23)

Patrick Lucas a dit…

la nuit
les mots se ressemblent

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS a dit…

Faut-il cheminer vers l'insomnie pour comprendre et trouver, et ombre et lumière que l'aveuglement vient de nos certitudes ?

Merci pour ce temps de poésie pure.
Amitiés.

Roger

mémoire du silence a dit…

>>>>>>>>>> à vous trois grand merci




Que nous avons le doute en nous.


De nos jours, — plaignez-nous, vous, douce et noble femme ! —
L'intérieur de l'homme offre un sombre tableau.
Un serpent est visible en la source de l'eau,
Et l'incrédulité rampe au fond de notre âme.

Vous qui n'avez jamais de sourire moqueur
Pour les accablements dont une âme est troublée,
Vous qui vivez sereine, attentive et voilée,
Homme par la pensée et femme par le cœur,

Si vous me demandez, vous muse, à moi poète,
D'où vient qu'un rêve obscur semble agiter mes jours,
Que mon front est couvert d'ombres, et que toujours,
Comme un rameau dans l'air, ma vie est inquiète ;

Pourquoi je cherche un sens au murmure des vents ;
Pourquoi souvent, morose et pensif dès la veille,
Quand l'horizon blanchit à peine, je m'éveille
Même avant les oiseaux, même avant les enfants ;

Et pourquoi, quand la brume a déchiré ses voiles,
Comme dans un palais dont je ferais le tour,
Je vais dans le vallon, contemplant tour-à-tour
Et le tapis de fleurs et le plafond d'étoiles ?

Je vous dirai qu'en moi je porte un ennemi,
Le doute, qui m'emmène errer dans le bois sombre,
Spectre myope et sourd, qui, fait de jour et d'ombre,
Montre et cache à la fois toute chose à demi !

Je vous dirai qu'en moi j'interroge à toute heure
Un instinct qui bégaie, en mes sens prisonnier,
Près du besoin de croire un désir de nier,
Et l'esprit qui ricane auprès du cœur qui pleure !

Aussi vous me voyez souvent parlant tout bas ;
Et comme un mendiant, à la bouche affamée,
Qui rêve assis devant une porte fermée,
On dirait que j'attends quelqu'un qui n'ouvre pas.

Le doute ! mot funèbre et qu'en lettres de flammes,
Je vois écrit partout, dans l'aube, dans l'éclair,
Dans l'azur de ce ciel, mystérieux et clair,
Transparent pour les yeux, impénétrable aux âmes !

C'est notre mal à nous, enfants des passions
Dont l'esprit n'atteint pas votre calme sublime ;
A nous dont le berceau, risqué sur un abîme,
Vogua sur le flot noir des révolutions.

Les superstitions, ces hideuses vipères,
Fourmillent sous nos fronts où tout germe est flétri.
Nous portons dans nos cœurs le cadavre pourri
De la religion qui vivait dans nos pères.

Voilà pourquoi je vais, triste et réfléchissant,
Pourquoi souvent, la nuit, je regarde et j'écoute.
Solitaire, et marchant au hasard sur la route
A l'heure où le passant semble étrange au passant.

Heureux qui peut aimer, et qui dans la nuit noire,
Tout en cherchant la foi, peut rencontrer l'amour !
Il a du moins la lampe en attendant le jour.
Heureux ce cœur ! Aimer, c'est la moitié de croire.

Octobre 1834.



Victor Hugo / les Chants du crépuscule