lundi 16 mars 2015

une résonance





Il fuit son enfance, et se cache dans sa vie d’adulte. Il frisonne, il est en apnée, dans la bruine d’une fin d’hiver. Son cœur est gonflé, il est un soupir, il est une inspiration, une émotion. Un tremblement sur le fil, il tisse une image, le ciel, la terre et la mer. 

Il métamorphose le temps, il est un et deux sur les genoux de l’âge, toile vierge d’un ciel bleu. Il s’allonge sur le drap, se plie, se déplie, recommence sa vie, lui sourit. Il trace de son doigt le signe du vent à l’encre noire, à l’encre verte. Son cœur moissonne l’herbe du temps. 

Dans son cœur le feu de l’enfance, miroir d’hier, du temps en espérance. Une consonance, une résonance, longtemps dans le cristal de son oreille offerte. Au bord du ciel il effleure la lune, sa peau de nacre, le désordre roux de sa robe charnelle. Il écoute le silence. 

La voix du cœur, une inspiration, les âmes se prennent par la main. L’enfant revient, s’agite, s’installe dans cette enfance lointaine et fêle. Il suit le fil du songe, il file et tisse un souvenir, une souvenance dans l’herbe folle. Le cœur bondit, il tape et cogne, échappée belle. 

Sa jeunesse froissée, sa peau se plisse et se souvient. Le temps est dans les plis, goût de terre et de mer, histoires d’hier, de tragédies et de victoires. Sa vie est pansée, dorée, adorée. Il enveloppe le temps d’un long manteau de vent. Le vertige monte en lui et déroule les étoiles. 

Son corps se libère, il vole en un bruissement, il se détache, il s’arrache, il entre en amour, premier matin du monde. Il essuie ses plaies, le jour sonne clair et frais. Demain il ne restera rien de sa blessure, une cicatrice, une esquisse. Une joie tracée. Un printemps sur le fil. 

Tout s’efface et se tait, grand silence. Tout s’est envolé, là-bas, de l’autre côté. Sa voix s’est éteinte, reste une trace sur le sol, un pétale, une odeur, une saveur, le frisson de l’étoile. Une goutte de fièvre se détache de l’arbre, amnésie de la sève. La rumeur des ans. 

Dans son cœur est le feu de son enfance vieille. 





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4 commentaires:

Bernard a dit…

Un très beau texte et... toilé de compositions expressives et pures!
Merci de ce partage.

François a dit…

L'enfance c’est
"un recommencement, un jeu, une roue libre, un premier mouvement, un Oui Sacré." (F. Nietzsche)
Un très beau texte en effet, l'enfance est en vous, elle y a laissé son empreinte à tout jamais.
Un très beau texte à lire et relire.
Merci et bien à vous chère Maria.

Ariaga a dit…

De résonances en résonances se déploient les notes de la Grande Symphonie. Merci et amitiés.

mémoire du silence a dit…

@ Bernard ...


"Et quelle étrange chose que certains mots,

C'est sans bouche ni voix, c'est sans visage,

On les rencontre dans le noir, on leur prend la main,

On les guide mais il fait nuit partout sur terre.

C'est comme si les mots étaient un lépreux

Dont on entend de loin tinter la clochette.

Leur manteau est serré sur le corps du monde,

Mais il laisse filtrer de la lumière. "

Yves Bonnefoy / Les Planches courbes




@ François ...

"Or, de ces mots
Je n’avais pas à pénétrer le sens
Car il était en moi depuis l’enfance,
je n’ai eu qu’à le reconnaître, et à l’aimer
quand il est revenu du fond de ma vie"

Yves Bonnefoy / L’arrière pays




@ Ariaga ...

"Mais c’est la nuit maintenant, je suis seul,
Les êtres que j’ai connus dans ces années
Parlent là-haut et rient, dans une salle
Dont tombe la lueur sur l’allée ; et je sais
Que les mots que j’ai dits, décidant parfois
De ma vie, sont ce sol, cette terre noire
Autour de moi, le dédale infini
D’autres menus jardins avec leurs serres
Défaites, leurs tuyaux sur des plates bandes
Derrière des barrières, leurs appentis
Où des meubles cassés, des portraits sans cadre,
Des brocs, et parfois des miroirs comme à l’aguets
Sous des bâches, prêts à s’ouvrir aux feux qui passent,
Furent aussi, hors du temps, ma première
Conscience de ce monde où l’on va seul."

Yves Bonnefoy / Ce qui fut sans lumière






>>>>>@ vous, merci en amitié