lundi 30 avril 2018

la mer recommencée







Sur le chemin de mer    d’écume    de bois flotté    de torses à demi rongés    la mer enjambe la digue avec une force qui égaie    comme si elle se divertissait dans le galbe et la fougue de ses vagues    elle vomit sur le sable ses entrailles de souffrance    ses viscères de jouissance    les corps enchevêtrés    polis    léchés    corrodés    désagrégés    noyés et rejetés de ses amants de la mer    à tout jamais ballottés    dans l’encre rouge de l’horizon qui saigne

En décompte de la mort    de tout sans rémission    des secrets de la mer    du désir de vivre    s'accrocher aux troncs flottant    se délier des lianes marines    et frémir    vibrer en bourdonnements d’insectes sur les fleurs de sel









2 commentaires:

Anonyme a dit…

L'inlassable mouvement de la mer cautérise les blessures et il nous faut en accepter sa brûlure.
C'est très beau, texte, couleurs et son.

mémoire du silence a dit…

"J'habite une blessure sacrée
j'habite des ancêtres imaginaires
j'habite un vouloir obscur
j'habite un long silence
j'habite une soif irrémédiable
j'habite un voyage de mille ans
j'habite une guerre de trois cent ans
j'habite un culte désaffecté
entre bulbe et caïeu j'habite l'espace inexploité
j'habite du basalte non une coulée
mais de la lave le mascaret
qui remonte la calleuse à toute allure
et brûle toutes les mosquées
je m'accommode de mon mieux de cet avatar
d'une version du paradis absurdement ratée
-c'est bien pire qu'un enfer-
j'habite de temps en temps une de mes plaies
chaque minute je change d'appartement
et toute paix m'effraie

tourbillon de feu
ascidie comme nulle autre pour poussières
de mondes égarés
ayant crachés volcan mes entrailles d'eau vive
je reste avec mes pains de mots et mes minerais secrets

j'habite donc une vaste pensée
mais le plus souvent je préfère me confiner
dans la plus petite de mes idées

ou bien j'habite une formule magique
les seuls premiers mots
tout le reste étant oublié
j'habite l'embâcle
j'habite la débâcle
j'habite le pan d'un grand désastre
j'habite souvent le pis le plus sec
du piton le plus efflanqué-la louve de ces nuages-
j'habite l'auréole des cétacées
j'habite un troupeau de chèvres tirant sur la tétine
de l'arganier le plus désolé
à vrai dire je ne sais plus mon adresse exacte
bathyale ou abyssale
j'habite le trou des poulpes

je me bats avec un poulpe pour un trou de poulpe
frères n'insistez pas
vrac de varech
m'accrochant en cuscute
ou me déployant en porona
c'est tout un
et que le flot roule
et que ventouse le soleil
et que flagelle le vent
ronde bosse de mon néant

la pression atmosphérique ou plutôt l'historique
agrandit démesurément mes maux
même si elle rend somptueux certains de mes mots."

Aimé Césaire / Moi, laminaire