dimanche 24 février 2019

un mot s’agite et fend la feuille







Un mot s’agite et fend la feuille, une parole simple s’envole et crève l’œil de celui qui se penche sur le bord de la page. Les cœurs explosent, repeignent les roses et crient devant les grilles closes. Rien ne transperce l’intime des choses, les mots inventent les heures pleines et se souviennent. Mémoire offerte aux traces d’encre, aux rivières mauves du temps d’avant.

Sur la rive verte les mots attendent la barque étrange qui glisse et brise le voile fauve des nuits d’errance et de patience. Le feu des îles, poussière orange qui brûle l’âme et la consume sans amertume. Je l’ai cherché sur les chemins couverts d’épines ce signe étrange venu de l’ange, cette marque creuse, ruisseau de larmes sur une joue grise. Intime nuit, et jour ouvert sous le regard d’un ciel de paille.








Et sans attendre, il ouvre l’œil, le noir, le bleu, le vert de terre. L’autre s’enterre, il meurt, il souffle et souffre, déverse son sang sur le bord du monde. La terre gronde, le mot se perd, le mot inonde la terre entière. Un mot de rien, un mot enfin sort de la main d’un matin plein, un mot chagrin, un mot raisin et grain de pain. Il s’assoit au bord du toit et tire le fil des nuages pris au ciel d’orage.








Un grand silence plane sur le monde, les oiseaux glissent et se poursuivent sans faire d’ombre. Les enfants jouent à être sages et griffent la peau des fruits trop mûrs, des fruits confits par le soleil. Ils mordent la chair des mots de pierre et sautent contents dans les grandes flaques d’or et d’argent, taches de pluie indélébiles. L’œil aiguisé, le cœur en fête, la tête droite, ils se surpassent.

De grands lambeaux de terre et d’herbe enveloppent leurs corps chétifs et roses. Ils vont heureux, chantant louange dans l’air frais du matin clair. Ils se serrent peau contre peau et tendent la main, reniflent l’air, espèrent encore l’appel de l’ange. Les yeux au ciel, ils guettent l’étoile, petite lueur venue du noir, venue de loin, d’une nuit sans mot, d’une page vierge… d’un long chemin dans le matin.



 




Ils attrapent le bonheur et le tire dans le pré et frottent l’herbe grasse avec leurs pieds de lait. Ils sont enfants de sable, d’argile et de braise, ils chantent le cœur ouvert et fleuri d’impatience. Le chien est sur la route et marche avec l’enfant, celui aux cheveux clairs et à la peau d’ébène. Ils marchent et se souviennent les nuits des cathédrales, les mots au goût étrange qui restent sur la langue.









6 commentaires:

Jean a dit…

Merci Maria, c'est beau, c'est bon. Quelle belle lecture en ce dimanche matin. Je suis enfant avec "des pieds de lait", je cours sur vos pages et les bois comme du petit lait. Merci.

Ariaga a dit…

Merci pour ce beau texte et pour me redonner un peu envie ...

Kaïkan a dit…

Ils chantent, dansent, griffent et mordent ...
Sourire aux dents d'agneau ...
Te lire, Ma Maria est pur danse et chant ...
Baisers tendres vers toi ...

Anonyme a dit…

Un texte très beau qui butine les moments de la vie, et les creuse en couleurs.

mémoire du silence a dit…

@ Jean ...

Merci Jean pour vos mots au gout de lait.




@ Ariaga …

Puisse l’envie t’habiter encore et encore chère Ariaga.




@ Kaïkan...

Tes mots toujours chère KaÏkan me touchent, toi si près du verbe.
Merci, je t’embrasse




@ Anonyme ...

Le printemps pointe son nez ;-)

Maïté/Aliénor a dit…

C'est si beau!