vendredi 26 avril 2019

il retrouve sa voix dans le cou des roseaux




Il a perdu sa voix dans la main du roseau, son cœur chante la joie et conte le silence aux fibres de l’absence. Les nuages sont très lourds, ils pèsent et tombent en éclats sur cette terre sauvage qui frémit sous le charme d’un tendre babillage. Il lui reste le langage, petites perles d’étoiles, grains de pierres à l’âme purifiée. 

Il ramasse et empile le son venu du ciel, il ignore les arpèges, il ignore les accords, tout ce charme pour que monte la voix en colonne, engorgée de douceur. Il engrange la lumière et sa folie avec, il reste solitaire, fidèle et armé de patience il repeint le réel, les jardins d’espérance là-bas aux portes du ciel. 

La lune le couronne, et porte son image sur la peau de l’étang. Le ciel est un linceul, il enveloppe les nuages et leur donne courage. Le paysage s’enchante, le paysage s’installe, tout se lie, tout se noue, le charme est à genoux. Il caresse les branches et de sa main pleine il pause la couleur dans la fleur d’amandier. 

L’espoir se réveille, il a ouvert les yeux et saupoudre de sel les plumes de l’oiseau. Il revient sur le temps et court sur la haie, ses enjambées sont longues et chaque pas le rapproche de l’instant, l’éloigne des ténèbres et le glisse sous l’aile de l’enfant qu’il était. Il est calme, désormais, il lui faut avancer. 

Au passage, il embrasse les oiseaux, il les prend, les repose, et d’une feuille de figuier il leur fait une couche. Il retrouve sa voix dans le cou des roseaux, il chante sur le fil et le cri de l’oiseau. Il fuit les apparences, il en racle le duvet et du bout de ses lèvres il fait naitre des nymphes, bulles de savon sur l’épaule des enfants. 

Le temps est une attente, le temps est métronome et martèle le silence. Il se blesse à l’arête de l’âge, au détour du chemin, à l’entrée du passage une épine venimeuse lui déchire le cœur. Alors, du bout de sa langue il attrape un caillou blanc pour panser sa blessure. Il revient sur la tranche, il est en renaissance. 

Il est sur le chemin, et va trouver la paix, la gaité, l’allègement de son cœur, et le vide et le plein. Il est un frémissement, il avance et s’étonne. Il se griffe aux racines qui envahissent son âme, il avance d’un bon pas, ne se retourne pas. Il longe le chemin et se nourrit de baies, petites billes d’onyx qui noircissent la langue. 

Il tremble, il a la fièvre, il claque des dents. Sa langue est noire, ébène. Il chante cependant, il appelle ses frères, il appelle ses mères, il appelle les pauvres âmes qui rampent sous la terre. Il avance sans attente, sans souffrance, et s’acharne sur la boue sèche du chemin. Il est en délivrance, il est en repentance, son cœur est un oiseau. 

Il siffle et il pépie, il souffle et il sourit. Il se dépouille, et dévêt son habit d’infortune. Il chante le langage des oiseaux, le torse bombé, la poitrine pleine d’une douce gaité, le ventre en feu, le ventre déchiré. Il se courbe tel un arc, il va se délivrer. Il va se poser, se ressaisir et revenir, ne pas mourir. 

Les oiseaux l’escortent et fendent l’air, lui ouvrent le chemin, l’habillent de lumière, lui font pousser des ailes. Il arrive nu et délivré aux sources de la poésie, et s’installe pour l’éternité dans le ciel constellé. 











3 commentaires:

Anonyme a dit…

Une belle écriture qui me porte en silence.
Merci Maria.

Maïté/Aliénor a dit…

Je ne sais pas si je lis ce si beau texte comme il se doit, mais il me parle avec des images que je retrouve comme un pont de vie chez quelqu'un qui nous est cher.

mémoire du silence a dit…

@ Anonyme ...

Merci à vous qui que vous soyez, vos mots me motivent à continuer sur cette route d'écriture, qui m'est parfois si laborieuse.
;-)




@ Maïté/Aliénor ...

Ce texte se lit chère Maïté comme chacun le reçoit. Si pour toi il est comme un pont de vie vers ce Cher à nous, alors qu'il soit ainsi, cela m'honore.
Merci, et beaux jours à toi.