dimanche 14 juin 2020

en résonance







Pruniers et rouges. 

Fatigue en rang, et souvenir : oh foule, partout foule, et rochers et vallons, sur le devant le front dépouillé de feuilles ou de chevelure, et tout ici est au commencement, je rêve et je sommeille, et tout dans la blanche, blanche chaleur, ils sont amis, ils aiment, aimons-nous, et le thym et la sauge, 

pieds, pieds et cailloux, on roule d’un pied à l’autre, et blanche, blanche chaleur, je retourne, tout au cœur s’anime, dans les vignes et les cailloux, on y fut, et tout frottant et se tenant, d’un trait, salive blanche et galets un peu durs, et presque doux, on y est, on y vient, souffle et recommence, 

cailloux durs, durs et ronds et doux, la peau marquée pour le jour, pour la nuit, mains rayées et cœur tendu au monde, la vie, l’univers est un, on se demande, on se comprend, on y retourne, en rangs, en souvenir, temps compté et peaux froissées, je te tiens, tout ici tient, tout ici est aimable, cailloux, 

cailloux ronds, cuits et recuits, cœur arraché, histoires simples, j’en suis, j’en viens et tout ici s’y donne, galet rond et cœur tendu, peau marquée et pour longtemps, j’en suis toujours à ces premiers ouvrages, cœurs naissants, route sans fin et pruniers sûrs, j’avais cœur, au cœur, le cœur, disant, 

d’un arbre et des cailloux, tout ici dit et redit, l’histoire ancienne, arbre fruitier, prunes et rouges, tout ici au pied, en pire et en consternation, l’écorce mord les habitudes, j’en suis, j’y viens, tout est tourné, tout marqué, peau éternellement émue, et cœur touché, je tourne, je viens, je suis, tu restes, et aussi loin, et aussi près, et rien ne sert, tout ici est à oublier, cœur tenu, peau marquée, je suis, 

tu es et je tourne, retourne, tout long, tout vient, tout remue et change, eau tournée, joie sur la main, les yeux ouverts et le cœur sous les arbres, pruniers et rouges, et sucre tout fond, fatigué, 

tout en fatigue et en rang, en souvenir, et oh, en foule, partout foule, et rochers et vallons, au-devant le front dépouillé de feuilles ou de chevelure et tout ici, est au commencement, je rêve et je sommeille, tout est dans la blanche, blanche, chaleur, sont perdus et emportés, venus, et amis, le vent, 

emportés, le vent souvenir, chaleur blanche, recours et impatience, le ciel est bleu, la mer est verte, des vignes au raison, il reste la volonté, et aussi, et aussi, bouche ouverte et fermée, sans retenir, pour toujours cailloux ronds, presque doux et peau marquée, ombres chères, je suis, je viens, 

 je songe, songe, tout me reste, si l’univers est un, si la peau marque, si la mémoire, si le souvenir, si la trace, si la ferveur, et le thym et la sauge, au-devant, au-devant, tout au pied se tourne, terre rouge et galets presque doux, j’en suis encore, encore, au début de ce voyage.




***







souvenir heureux d'une terre mûre aux fruits rouges


Chevelure de feuilles sur le vallon 
écriture d’un rêve dans la torpeur de l’été 

une chaleur blanche monte d’entre les pierres 
le cœur se serre     un souvenir de cailloux blancs 
là-bas la lumière ruisselle et lave les galets 

cailloux lisses et ronds si doux dans leur dureté 
petits cœurs de pierre ouverts au monde du vivant 

frêle instant sous un ciel ivre de bleu 
sans jour     sans nuit    tant l’étoile luit 
le sommeil strié par la profondeur des rêves 

le feuillage boit le cœur de l’ombre   cœur bu 
et cœur premier d’un fruit à naître    universel 

souvenir d’arbres dans le jardin    un rêve ancien 
un rêve d’écorces et de fruits mûrs au cœur rouge 
dont on voit peu à peu croître les brûlures 

les arbres explosent de joie        lumière du ciel 
ruissellement d’une pluie d’étoiles dans le vallon 

chevelure d’un rêve dans la torpeur des feuilles 
l’été inscrit entre les pierres un souvenir blanc 
de cailloux lisses et ronds à la peau tatouée 

rêve d’un été ancien où la mémoire déchire l’ombre 
souvenir heureux d’une terre mûre aux fruits rouges


Maria-D



***






                                                                             Premier voyage
                                                                             En terre rouge
                                                                             Prunes sauvages
                                                                             La raison du fou
                                                                             Des galets blancs
                                                                             Roulent à ses pieds 


J... 





à vous de résonner 
ou déraisonner
si le cœur vous le dit

3 commentaires:

michel. a dit…

Pruniers et rouges
est un élément du recueil: "(Premier voyage)".

Vous connaissez certainement ceci:

"Le fou est celui qui a cessé de déraisonner à l'unisson",
je sais qui m'a montré cette phrase, mais de qui est-elle ?

Bien avec vous, bien à vous.

J♥♥♥ a dit…

Premier voyage
En terre rouge
Prunes sauvages
La raison du fou
Des galets blancs
Roulent à ses pieds

mémoire du silence a dit…


Le Fou et la Vénus


Quelle admirable journée ! Le vaste parc se pâme sous l’œil brûlant du soleil, comme la jeunesse sous la domination de l’Amour.
L’extase universelle des choses ne s’exprime par aucun bruit ; les eaux elles-mêmes sont comme endormies. Bien différente des fêtes humaines, c’est ici une orgie silencieuse.
On dirait qu’une lumière toujours croissante fait de plus en plus étinceler les objets ; que les fleurs excitées brûlent du désir de rivaliser avec l’azur du ciel par l’énergie de leurs couleurs, et que la chaleur, rendant visibles les parfums, les fait monter vers l’astre comme des fumées.
Cependant, dans cette jouissance universelle, j’ai aperçu un être affligé.
Aux pieds d’une colossale Vénus, un de ces fous artificiels, un de ces bouffons volontaires chargés de faire rire les rois quand le Remords ou l’Ennui les obsède, affublé d’un costume éclatant et ridicule, coiffé de cornes et de sonnettes, tout ramassé contre le piédestal, lève des yeux pleins de larmes vers l’immortelle Déesse.
Et ses yeux disent : — « Je suis le dernier et le plus solitaire des humains, privé d’amour et d’amitié, et bien inférieur en cela au plus imparfait des animaux. Cependant je suis fait, moi aussi, pour comprendre et sentir l’immortelle Beauté ! Ah ! Déesse ! ayez pitié de ma tristesse et de mon délire ! »
Mais l’implacable Vénus regarde au loin je ne sais quoi avec ses yeux de marbre.

Charles Baudelaire / Petits poèmes en prose.