L’amour est étincelant comme le vent sur la neige. L’amour est tendre comme la nuit étoilée. Son pas est plus doux que le silence. Sa parole est plus tranchante que l’éclair. Comme un voleur dans la nuit profonde, il entre dans nos vies, puis il attend. Il attend que l’on vienne où il est, il attend que nous venions en nous. Il reste là, dans les grandes prairies du sang, comme un oiseau cendré dans les longs roseaux verts. Il s’envole avec ce bruit que fait l’encre sur la page, comme le battement d’un cœur pur dans l’obscur de la chair. Si j’aime tant vous écrire, c’est pour entendre sa rumeur en moi, dans le drapé d’une phrase, dans le pli d’un silence. J’ai beau regarder ma vie en tous sens, je n’y vis rien d’autre à préserver que cette perte. Aimer quelqu’un, c’est le dépouiller de son âme, et c’est lui apprendre ainsi – dans ce rapt – combien son âme est grande, inépuisable et claire. Nous souffrons tous de cela : de n’être pas assez volés. Nous souffrons des forces qui sont en nous et que personne ne sait piller, pour nous les faire découvrir. Je suis ivre de cet amour qui me porte vers vous, comme vers celle qui recueille toutes les fleurs de mon nom. Je suis ivre e cet amour qui me ramène au bercail d’une enfance. L’amour est simple comme le jour, et il m’est aussi difficile de le louer qu’à l’herbe verte de chanter l’air qui la brûle, l’abandon qui la berce, et le ciel qui l’emporte. On dit : « Aimez-moi », mais ce n’est pas une demande, à peine une chanson. C’est le bruit du vent sur les herbes, dans le cloître des lumières. Nous ne sommes rien. L’amour est tout. Nous sommes avec l’amour comme l’ombre avec la lumière : elle s’y abîme, elle s’en nourrit. Elle échange sa substance – qui n’est rien – contre une autre – qui est tout. L’amour est pur, comme un ciel dont on dit qu’il est clair, quand il n’arrête plus rien. Il est frais, comme cette lumière de l’aube qui ne vient de nulle part. il est vif, comme cette clarté du jour qui rapproche les lointains. L’amour est comme un peintre qui oublierait – chaque matin, dans son atelier – la vieille histoire du monde, pour saisir une fleur éternelle dans le tremblé de l’air.
Il n’y a pas d’autre art que l’art amoureux. C’est l’art souverain de la lenteur et de la vitesse. C’est l’art de susciter un éclair, sans jamais l’arrêter en l’orientant vers nous."
Christian Bobin / Lettres d’or / Fata Morgana … p. 37-38-39
2 commentaires:
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Un lien qui fait vivre l'amour !
[https://www.youtube.com/watch?v=KUgrJHbOdmI]
@ Bernard...
L’amour est étincelant comme le vent sur la neige. L’amour est tendre comme la nuit étoilée. Son pas est plus doux que le silence. Sa parole est plus tranchante que l’éclair. Comme un voleur dans la nuit profonde, il entre dans nos vies, puis il attend. Il attend que l’on vienne où il est, il attend que nous venions en nous. Il reste là, dans les grandes prairies du sang, comme un oiseau cendré dans les longs roseaux verts. Il s’envole avec ce bruit que fait l’encre sur la page, comme le battement d’un cœur pur dans l’obscur de la chair. Si j’aime tant vous écrire, c’est pour entendre sa rumeur en moi, dans le drapé d’une phrase, dans le pli d’un silence. J’ai beau regarder ma vie en tous sens, je n’y vis rien d’autre à préserver que cette perte. Aimer quelqu’un, c’est le dépouiller de son âme, et c’est lui apprendre ainsi – dans ce rapt – combien son âme est grande, inépuisable et claire. Nous souffrons tous de cela : de n’être pas assez volés. Nous souffrons des forces qui sont en nous et que personne ne sait piller, pour nous les faire découvrir. Je suis ivre de cet amour qui me porte vers vous, comme vers celle qui recueille toutes les fleurs de mon nom. Je suis ivre e cet amour qui me ramène au bercail d’une enfance. L’amour est simple comme le jour, et il m’est aussi difficile de le louer qu’à l’herbe verte de chanter l’air qui la brûle, l’abandon qui la berce, et le ciel qui l’emporte. On dit : « Aimez-moi », mais ce n’est pas une demande, à peine une chanson. C’est le bruit du vent sur les herbes, dans le cloître des lumières. Nous ne sommes rien. L’amour est tout. Nous sommes avec l’amour comme l’ombre avec la lumière : elle s’y abîme, elle s’en nourrit. Elle échange sa substance – qui n’est rien – contre une autre – qui est tout. L’amour est pur, comme un ciel dont on dit qu’il est clair, quand il n’arrête plus rien. Il est frais, comme cette lumière de l’aube qui ne vient de nulle part. il est vif, comme cette clarté du jour qui rapproche les lointains. L’amour est comme un peintre qui oublierait – chaque matin, dans son atelier – la vieille histoire du monde, pour saisir une fleur éternelle dans le tremblé de l’air.
Il n’y a pas d’autre art que l’art amoureux. C’est l’art souverain de la lenteur et de la vitesse. C’est l’art de susciter un éclair, sans jamais l’arrêter en l’orientant vers nous."
Christian Bobin / Lettres d’or / Fata Morgana … p. 37-38-39
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