mardi 17 octobre 2023

Pour décrire les fleurs d'amandier


 


 
 
 
 
Pour décrire les fleurs d'amandier, l'encyclopédie 
des fleurs et le dictionnaire 
ne me sont d'aucune aide... 
Les mots m'emporteront 
vers les ficelles de la rhétorique 
et la rhétorique blesse le sens 
puis flatte sa blessure, 
comme le mâle dictant à la femelle ses sentiments. 
Comment les fleurs d'amandier 
resplendiraient-elles 
dans ma langue, moi l'écho ? 
Transparentes comme un rire aquatique, 
elles perlent de la pudeur de la rosée 
sur les branches... 
Légères, telle une phrase blanche mélodieuse... 
Fragiles, telle une pensée fugace 
ouverte sur nos doigts 
et que nous consignons pour rien... 
Denses, tel un vers 
que les lettres ne peuvent transcrire. 
Pour décrire les fleurs d'amandier, 
j'ai besoin de visites 
à l'inconscient qui me guident aux noms 
d'un sentiment suspendu aux arbres. 
Comment s'appellent-elles ? 
Quel est le nom de cette chose 
dans la poétique du rien ? 
Pour ressentir la légèreté des mots, 
j'ai besoin de traverser la pesanteur et les mots 
lorsqu'ils deviennent ombre murmurante, 
que je deviens eux et que, transparents blancs, 
ils deviennent moi. 
Ni patrie ni exil que les mots, 
mais la passion du blanc 
pour la description des fleurs d'amandier. 
Ni neige ni coton. Qui sont-elles donc 
dans leur dédain des choses et des noms ? 
Si quelqu'un parvenait 
à une brève description des fleurs d'amandier, 
la brume se rétracterait des collines et un peuple dirait à l'unisson : 
Les voici, 
les paroles de notre hymne national 
 
 
Mahmoud Darwich / traduction Elias Sanbar
 
 
 
 
 
   
                                                     à 2'50 version française dite par Didier Sandre
 
 
 

 
 
“Quand nous étions unis
 Nous étions de bons et efficaces ciseaux.
 
Après notre séparation,
Nous sommes redevenus deux lames tranchantes,
Plantées dans la chair du monde
Chacune de son côté.”
 
("Poème d'amour-douleur")
 
 
Yéhudah Amichaï
 
 
 
 
 
  
 
 
 
 
*
 
 
 Merci à Anonyme
 
 
 
 
 
 
 
"Entre Rita et mes yeux : un fusil
Et celui qui connaît Rita se prosterne
Adresse une prière
A la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel
 
Moi, j’ai embrassé Rita
Quand elle était petite
Je me rappelle comment elle se colla contre moi
Et de sa plus belle tresse couvrit mon bras
Je me rappelle Rita
Ainsi qu’un moineau se rappelle son étang
Ah Rita
Entre nous, mille oiseaux mille images
D’innombrables rendez-vous
Criblés de balles. 
 
Le nom de Rita prenait dans ma bouche un goût de fête 
Dans mon sang le corps de Rita était célébration de noces
Deux ans durant, elle a dormi sur mon bras
Nous prêtâmes serment autour du plus beau calice
Et nous brulâmes
Dans le vin des lèvres
Et ressuscitâmes
 
Ah Rita
Qu’est-ce qui a pu éloigner mes yeux des tiens
Hormis le sommeil
Et les nuages de miel
Avant que ce fusil ne s’interpose entre nous
 
Il était une fois
Ô silence du crépuscule
Au matin, ma lune a émigré, loin
Dans les yeux couleur de miel
La ville
A balayé tous les aèdes, et Rita
Entre Rita et mes yeux, un fusil."
 
 
 Mahmoud Darwich
 
 
 
 
Amnesty International ici

7 commentaires:

Brigetoun a dit…

pensées, avec petite colère en entendant les phrases définitives sur un peuple, et le plaisir de l'admirer encore et toujours

mémoire du silence a dit…

@ Brigetoun ...

alors, aimons ...


L’Art d’Aimer

Avec la coupe sertie d’azur,
Je t’attends
Auprès du bassin, des fleurs du chèvrefeuille et du soir,
Je t’attends
Avec la patience du cheval sellé pour les sentiers de montagne,
Je t’attends
Avec le bon goût du prince raffiné et beau,
Je t’attends
Avec sept coussins remplis de nuées légères,
Je t’attends
Avec le feu de l’encens féminin omniprésent
Je t’attends
Avec le parfum masculin du santal drapant le dos des chevaux,
Je t’attends
Et ne t’impatiente pas. Si elle arrivait après son heure,
Attends-la
Et si elle arrivait, avant,
Attends-la
Et n’effraye pas l'oiseau posé sur ses nattes,
Et attends-la
Qu’elle prenne place, apaisée, comme le jardin à sa pleine floraison,
Et attends-la
Qu’elle respire cet air étranger à son cœur,
Et attends-la
Qu’elle soulève sa robe, qu’apparaissent ses jambes, nuage après nuage,
Et attends-la
Et mène-la à une fenêtre, qu’elle voie une lune noyée dans le lait,
Et attends-la
Et offre-lui l’eau avant le vin et
Ne regarde pas la paire de perdrix sommeillant sur sa poitrine,
Et attends-la
Et comme si tu la délestais du fardeau de la rosée,
Effleure doucement sa main lorsque
Tu poseras la coupe sur le marbre,
Et attends-la
Et converse avec elle, comme la flûte avec la corde craintive du violon,
Comme si vous étiez les deux témoins de ce que vous réserve un lendemain,
Et attends-la
Et polis sa nuit, bague après bague,
Et attends-la
Jusqu’à ce que la nuit te dise:
Il ne reste plus que vous deux au monde.
Alors, porte-la avec douceur vers ta mort désirée
Et attends-la… !

Mahmoud Darwich / La Terre Nous Est Etroite Et Autres Poèmes, Gallimard Poésie

Anonyme a dit…

Dans l’histoire de Mahmoud Darwich, il y eut Rita. Jeune Juive israélienne qui deviendra sa muse et également l’amour tragique de sa vie. En 1995, il écrivit cet amour impossible.

"Entre Rita et mes yeux : un fusil
Et celui qui connaît Rita se prosterne
Adresse une prière
A la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel

Moi, j’ai embrassé Rita
Quand elle était petite
Je me rappelle comment elle se colla contre moi
Et de sa plus belle tresse couvrit mon bras
Je me rappelle Rita
Ainsi qu’un moineau se rappelle son étang
Ah Rita
Entre nous, mille oiseaux mille images
D’innombrables rendez-vous
Criblés de balles.

Le nom de Rita prenait dans ma bouche un goût de fête
Dans mon sang le corps de Rita était célébration de noces
Deux ans durant, elle a dormi sur mon bras
Nous prêtâmes serment autour du plus beau calice
Et nous brulâmes
Dans le vin des lèvres
Et ressuscitâmes

Ah Rita
Qu’est-ce qui a pu éloigner mes yeux des tiens
Hormis le sommeil
Et les nuages de miel
Avant que ce fusil ne s’interpose entre nous

Il était une fois
Ô silence du crépuscule
Au matin, ma lune a émigré, loin
Dans les yeux couleur de miel
La ville
A balayé tous les aèdes, et Rita
Entre Rita et mes yeux, un fusil."



https://www.youtube.com/watch?v=AI0EYoH5YMM

Estourelle a dit…

Très touché !

wanchai a dit…

Bonjour Maria
ça me touche beaucoup que tu publies ce texte de Darwich tellement beau
que ce poète ne soit pas oublié
et Yehuda Amichai
c'est poignant
surtout là maintenant
ce tellement triste maintenant
qui nous dépasse.
Merci Maria
je t'embrasse
à bientôt
Michèle

michele a dit…

Merci Maria pour ces très beaux textes
dans ce présent difficile
des voix inoubliables.
Je t'embrasse
Michèle

mémoire du silence a dit…

à vous ... Anonyme, Estourelle et Michèle ... merci pour vos mots, votre coeur, je vous embrasse
et en retour :

L’ÉTERNITÉ DU FIGUIER DE BARBARIE

- Où me mènes-tu père ?
- En direction du vent, mon enfant

A la sortie de la plaine où les soldats de Bonaparte édifièrent une butte
Pour épier les ombres sur les vieux remparts de Saint-Jean-D’Acre
Un père dit à son fils : N’aie pas peur
N’aie pas peur du sifflement des balles
Adhère à la tourbe et tu seras sauf. Nous survivrons
Gravirons une montagne au nord, et rentrerons
Lorsque les soldats reviendront à leurs parents au lointain

- Qui habitera notre maison après nous, père ?
- Elle restera telle que nous l’avons laissée mon enfant

Il palpa sa clé comme s’il palpait ses membres et s’apaisa
Franchissant une barrière de ronces, il dit
Souviens-toi mon fils. Ici, les Anglais crucifièrent ton père deux nuits durant sur les épines d’un figuier de Barbarie
Mais jamais ton père n’avoua. Tu grandiras
Et raconteras à ceux qui hériteront des fusils
Le dit du sang versé sur le fer

- Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?
- Que la maison reste animée, mon enfant. Car les maisons meurent quand partent leurs habitants

M. Darwich