dimanche 16 août 2015

Gaston Bachelard







" Je suis né dans un pays de ruisseaux et de rivières, dans un coin de la Champagne vallonnée, dans le Vallage, ainsi nommé à cause du grand nombre de ses vallons. La plus belle des demeures serait pour moi au creux d'un vallon, au bord d'une eau vive, dans l'ombre courte des saules et des osières. Et quand octobre viendrait, avec ses brumes sur la rivière...


Mon plaisir est encore d'accompagner le ruisseau, de marcher le long des berges, dans le bon sens, dans le sens de l'eau qui coule, de l'eau qui mène la vie ailleurs, au village voisin. Mon « ailleurs » ne va pas plus loin. (...) Le Vallage a dix-huit lieues de long et douze de large. C'est donc un monde. Je ne le connais pas tout entier : je n'ai pas suivi toutes ses rivières.


Mais le pays natal est moins une étendue qu'une matière; c'est un granit ou une terre, un vent ou une sécheresse, une eau ou une lumière. C'est en lui que nous matérialisons nos rêveries ; c'est par lui que notre rêve prend sa juste substance ; c'est à lui que nous demandons notre couleur fondamentale. En rêvant près de la rivière, j'ai voué mon imagination à l'eau, à l'eau verte et claire, à l'eau qui verdit les prés. Je ne puis m'asseoir près d'un ruisseau sans tomber dans une rêverie profonde, sans revoir mon bonheur... Il n'est pas nécessaire que ce soit le ruisseau de chez nous, l'eau de chez nous. L'eau anonyme sait tous mes secrets. Le même souvenir sort de toutes les fontaines... " 


Gaston Bachelard / L'Eau et les rêves, essai sur l'imagination de la matière 
Editions   José Corti ... p. 13 à 15





3 commentaires:

Merciel a dit…

Quelle merveille !!! Merci !!! La grandeur qui s’accompagne à la «simplicité » : un miracle d’amour et d’intelligence ... Beauté authentique … On ne peut que l’aimer. Merci. Je le lis maintenant. Hier j’ai acheté ses livres.

mémoire du silence a dit…

"On ne peut que l’aimer."
oui !!! et je l'aime éternellement
depuis bien longtemps

quelles belles leçons il nous donne
il est le père de l'intelligence

Maïté/Aliénor a dit…

Heureuse de retrouver Bachelard ici. Je l ai relu il y a quelques jours.
Merci.