vendredi 17 août 2018

constellation 7





Ce personnage blessé
cet homme-enfant
tête rubanée
des maux de guerre
cœur éclaté
par tant de mots
jetés… griffés… cornés
sur papier cramoisi
ce ruban dans le ciel
et dans le bec de l’oiseau
une lettre d’amour…
per sua donna con uccello



PERSONNAGE  BLESSÉ  /  Joan Miró



Una donna con uccello
un homme  un enfant
pas encore un homme
un p’tit bleuet sur le chemin des dames
et la guerre tout autour
cette connerie de guerre
qui blesse les hommes
et tue les cœurs coquelicot
des enfants-oiseaux
qui affolés se cognent
aux portes de l’absurde
aux portes de la guerre
absurdité des hommes

mais le poète est là
qui sublime l'horreur
qui nous montre le ciel
et l'enfant et l'oiseau

il était une fois
un poète bohème
qui partit à la guerre
et qui n'en revint pas 



***



PERSONNAGE 

PERSONNAGE BLESSÉ
blessé au front bandé 
bandé d’incertitudes 
et qui attend que la guerre et le sang passent à l’as 
L’as de l’enfance 
L’enfance de l’Art 
l’art martelé troué de fables d’argile et d’oiseaux 
Oiseaux du sens quand les paroles blessent les jeunes enfants 
Les jeunes enfants de vingt ans morts à la guerre 
 À la guerre comme à la paix 
La paix des pages des pages que l’on roule dans du papier d’essence et de constellations 
Constellations de Varengeville 
Varengeville 1940 où l’on croit éviter la guerre en commençant le 21 janvier - avant que les têtes ne roulent dans la sciure - la série mirifique 
La série mirófique des Constellations achevées le 12 septembre 1941 dans la grande île des Baléares 
Des Baléares Des sept couleurs et des doigts - faut-il l’écrire? - débordant de joie 
La joie des pierres des oiseaux et des décombres de la guerre jetés dans la mer 
la mer de sang et de haine 
personnage blessé

 Jean-Jacques Dorio  ICI



***



PERSONNAGE BLESSE 

L’homme tourne toute sa vie autour d’un petit bois cadenassé dont il ne distingue pas les fûts noirs d’où s’élève une vapeur rose. Les souvenirs de l’enfance lui font à la dérobée croiser la vieille femme que la toute première fois il en a vu sortir avec un très mince fagot d’épines incandescentes. (Il avait été fasciné en même temps qu’il s’était entendu crier, puis ses larmes par enchantement s’étaient taries au scintillement du bandeau de lin qu’aujourd’hui il retrouve dénoué dans le ciel). Cette lointaine initiation le penche malgré lui sur le fil des poignards et lui fait obsessionnellement caresser cette balle d’argent que le comte Potocki passe pour avoir polie des saisons durant à dessein de se la loger dans la tête. Sans savoir comment il a bien pu y pénétrer, à tout moment l’homme peut s’éveiller à l’intérieur du bois en douce chute libre d’ascenseur au Palais des Mirages entre les arbres éclairés du dedans dont vainement il tentera d’écarter de lui une feuille cramoisie. 

 André Breton / Signe ascendant (Poésie/Gallimard ...p.141)




2 commentaires:

François a dit…

La poésie atténue les blessures de l'homme, merci de nous le dire avec tant de beauté.
Vous visiter est toujours un moment intense.

Bien à vous chère Maria

Ariaga a dit…

Les mots manquent quand déjà d'autres ont répandu la beauté.